08/12/2025 ssofidelis.substack.com  14min #298349

James Angleton, artisan de l'assassinat de Jfk ?

James Angleton témoigne devant la commission sénatoriale du renseignement

Par  Kit Klarenberg, le 7 décembre 2025

Des archives récemment déclassifiées révèlent que Lee Harvey Oswald, le tueur présumé du président John F. Kennedy, a été surveillé pendant des années par  James Angleton, le tristement célèbre chef du contre-espionnage de la CIA, jusqu'à la mort du président. Ces documents  récemment rendus publics indiquent qu'Oswald a été radié des listes de surveillance du FBI six semaines avant l'assassinat de Kennedy, alors que sa dangerosité était jugée élevée, sur instruction expresse du service d'Angleton. Cette décision s'avère a posteriori particulièrement troublante. Oswald était-il la cible ou impliqué dans les opérations d'espionnage illégales menées par Angleton sur le territoire national ?

En juin 1953, une note de service a été diffusée auprès des hauts responsables du FBI, avec pour objet : "Agence centrale de renseignement - informations reçues de James Angleton". Elle documente la façon dont le chef du contre-espionnage de la CIA, au cours de l'année écoulée,

"a été très coopératif et... fourni spontanément de nombreuses informations intéressant le Bureau".

Le volume et le caractère sensible des renseignements obtenus étaient tels qu'il a été jugé nécessaire d'établir des protocoles internes stricts et spécifiques pour le traitement et le stockage des documents fournis par Angleton au FBI.

Ces informations "particulièrement" sensibles concernaient notamment les renseignements qu'Angleton recevait et transmettait au Bureau, provenant de sa "principale source" de renseignements, le Mossad, parmi les "nombreuses sources et canaux étrangers" que l'officier entretenait dans le monde entier. La note décrivait ensuite la façon dont Angleton traitait

"des cas particuliers de nature diverse" et comment il bénéficiait "généralement d'une grande liberté et d'une grande marge de manœuvre dans la gestion des opérations de son unité".

Angleton n'était responsable que devant le directeur de la CIA, et son personnel qu'envers lui.

La note soulignait avec enthousiasme que la plupart des informations fournies par Angleton se composaient de rapports authentiques provenant de ces sources. Pour le FBI, ce mode de fonctionnement présentait un avantage considérable, car l'agence pouvait ainsi

"mieux évaluer les informations au lieu de passer par les canaux traditionnels de la CIA". Angleton informait également "fréquemment" le Bureau des activités de la CIA à l'étranger, "que l'Agence camoufle parfois grâce à certaines de ses techniques spéciales".

Cette étroite collaboration lui a valu une grande considération au sein du FBI. Il a su tirer parti de cette situation en janvier 1958, lorsque le FBI a fortuitement déjoué une opération d'espionnage scandaleuse et illégale menée par l'unité de contre-espionnage de la CIA ciblant des citoyens américains. Une note de service échangée ce mois-là entre hauts responsables du FBI rapporte que l'agence cherchait à mettre en place un programme de surveillance de l'ensemble du courrier envoyé vers et depuis l'Union soviétique par des citoyens américains, avant de découvrir qu'Angleton avait déjà élaboré un programme similaire.

Lorsqu'il a appris que son projet avait été découvert, Angleton a contacté "en privé" l'agent de liaison de l'Agence au sein du FBI pour lui présenter son programme. Il a affirmé que s'il était découvert, il serait licencié par Langley. Il a expliqué que son programme d'interception était

"l'une des opérations les plus importantes et les plus secrètes menées par la CIA", et qu'il était "vaste et coûteux". Un "ensemble sophistiqué de machines IBM" classait et effectuait des "examens scientifiques complexes" sur l'ensemble du courrier collecté.

Au total, "deux ou trois cents employés de la CIA" étaient exclusivement affectés à divers aspects de l'opération, qui nécessitait "bien plus d'un million de dollars par an", soit environ 11 millions de dollars aujourd'hui. Selon lui, le seul objectif de cette initiative consistait à

"identifier les personnes derrière le rideau de fer susceptibles d'avoir des liens avec les États-Unis et de devenir des contacts et des sources pour la CIA".

L'opération a connu un "grand succès" et a permis de recruter de nombreux informateurs précieux.

Alors que les hauts responsables du FBI se demandaient si cette initiative risquait de "porter atteinte à leur juridiction", on a conclu que l'unité d'Angleton était "légitimement habilitée" à mener cette mission. De plus, le FBI évitait ainsi "les dangers inhérents" à la mise en place d'un programme parallèle d'interception du courrier, notamment de par "sa nature sensible, sa complexité, son ampleur et son coût", exigeant simplement que l'unité de contre-espionnage de la CIA lui remette les nombreuses informations recueillies dans le cadre de son opération.

Lee Harvey Oswald a attiré l'attention d'Angleton pour la première fois en  novembre 1959, à la suite d'informations faisant état de sa défection présumée vers l'Union soviétique le mois précédent. Par la suite, toute la correspondance d'Oswald aux États-Unis a été ouverte et lue par la CIA, jusqu'à son retour au pays en mai 1962 avec sa femme russe, Marina. La  surveillance très étroite de la vie d'Oswald par Angleton s'est poursuivie jusqu'à l'assassinat de Kennedy.  Plusieurs opérations distinctes de la CIA ont permis de recueillir des renseignements sur le présumé assassin du président tout au long de cette période.

"Le projet de la CIA"

L'officier de contre-espionnage de la CIA chargé de surveiller le courrier d'Oswald était  Reuben Efron. Ce dernier faisait partie d'un réseau d'espionnage personnel mis en place par Angleton et composé d'émigrés juifs de l'Union soviétique, hors structures officielles de l'Agence. Curieusement, Efron a assisté en février 1964 à une audience de la commission Warren, officiellement chargée d'enquêter sur l'assassinat de JFK, au cours de laquelle Marina Oswald a témoigné. Sa présence a été  consignée dans un volume officiel des actes de l'enquête, mais son emploi à la CIA n'y est pas mentionné. Efron se trouvait-il là à la demande d'Angleton ?

Ce n'est là qu'un des nombreux mystères liés à Oswald que le témoignage à huis clos d'Angleton devant les enquêteurs du Sénat, en juin 1975, n'a pas permis de résoudre. Lors de son interrogatoire, Angleton n'a pas dit grand-chose sur l'assassinat de Kennedy, bien qu'il ait été interrogé à plusieurs reprises sur "le cas d'Oswald". Lorsqu'on lui a demandé si la CIA conservait des dossiers sur Oswald, Angleton a éludé la question en répondant : "Ils ont un dossier... Je pense même plusieurs". Il n'a fourni que peu d'informations supplémentaires, se contentant d'affirmer que le tireur solitaire présumé était probablement un agent soviétique.

Questionné sur l'existence d'un lien entre Oswald et le FBI, Angleton a reconnu de manière allusive que le Bureau avait été "fortement secoué" par l'assassinat de Kennedy, et que le FBI n'avait pas transmis toutes les informations sur Oswald à la police locale de Dallas. Il a toutefois omis de mentionner que le  FBI avait informé son unité de contre-espionnage une semaine avant le 22 novembre 1963 qu'Oswald vivait et travaillait à Dallas. À cette date, le  dossier d'Angleton sur Oswald comptait 180 pages.

Angleton a fait preuve d'une mauvaise foi encore plus manifeste lorsqu'il a témoigné devant la commission spéciale de la Chambre des représentants sur l'assassinat en octobre 1978. Lorsqu'un enquêteur en chef lui a demandé sans détour s'il avait connaissance d'un projet de la CIA concernant Oswald, Angleton a menti en répondant "non". Coïncidence ou pas, on lui a ensuite demandé s'il connaissait Reuben Efron et quelles étaient ses responsabilités. Angleton a répondu par l'affirmative, décrivant les fonctions d'Efron liées à l'interception du courrier. Angleton était particulièrement bien placé pour préciser qu'Efron surveillait le courrier d'Oswald dans le cadre d'une opération qu'il avait lui-même supervisée.

Angleton n'a pas été interrogé sur Israël et son programme illégal et secret d'armes nucléaires, pourtant une part importante de son témoignage de juin 1975. À l'époque, il a été interrogé sur le rôle de son unité de contre-espionnage qui aurait fourni un soutien technique à Israël pour le développement d'armes nucléaires. Il a nié ces accusations, avant d'admettre, sous le feu des questions, que Tel-Aviv avait peut-être mené des opérations clandestines pour se procurer  la matière nucléaire aux États-Unis. Interrogé sur les tentatives d'Israël pour acquérir illégalement des secrets nucléaires aux États-Unis, Angleton a répondu : "Dois-je répondre à la question ?"

En janvier 1961, Kennedy est entré en fonction, profondément préoccupé par les ambitions nucléaires de Tel-Aviv. Une évaluation de la CIA réalisée le mois précédent concluait que l'objectif principal de la  centrale nucléaire israélienne de Dimona était la production de plutonium destiné à la fabrication d'armes. L'évaluation soulignait les nombreuses potentielles conséquences désastreuses de doter Tel-Aviv de l'arme nucléaire. Selon l'évaluation, une telle révélation entraînerait une inévitable "indignation" en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, incitant ainsi les États arabes et musulmans, se sentant "menacés", à se tourner vers l'Union soviétique pour obtenir une aide militaire.

Motivé par cette perspective, Kennedy a, dès le premier jour de sa présidence, conditionné l'harmonie des relations entre Washington et Israël à l'organisation d'inspections régulières de Dimona par les États-Unis. Le Premier ministre de Tel-Aviv de l'époque, David Ben Gourion, a fini, sous une pression intense, par autoriser ces inspections en  mai 1961. Des manœuvres conséquentes  ont été déployées pour camoufler les zones de Dimona consacrées à la recherche et au développement de l'arme nucléaire. Les évaluations réalisées à la suite de ces inspections ont conclu que l'installation n'était destinée qu'à la production d'énergie nucléaire. Mais Kennedy n'était pas convaincu. En mai 1963, il a envoyé un  télégramme privé inquiétant à Ben Gourion :

"Les dangers liés à la prolifération des systèmes d'armes nucléaires sont si évidents qu'il n'est pas nécessaire de les rappeler. Nous sommes préoccupés par les effets déstabilisateurs sur la sécurité mondiale qu'entraînerait le développement par Israël d'une capacité nucléaire. Si Israël devait développer une telle capacité, d'autres pays plus puissants, qui se sont jusqu'à présent abstenus, estimeraient très certainement devoir faire de même".

"Opération du renseignement"

Le Comité d'enquête sur les assassinats (HSCA) n'a pas interrogé Angleton sur les ambitions nucléaires d'Israël, ce qui est d'autant plus inexcusable que Joseph Burkhalter Smith, agent vétéran de la CIA, a révélé en avril 1978, lors d'une conversation avec Gaeton Fonzi, chercheur au sein du Comité, que la CIA avait fourni à Israël des informations sur les programmes nucléaires de l'URSS. Des documents déclassifiés montrent que Smith a fait plusieurs révélations fracassantes sur le rôle et l'influence d'Angleton au sein de l'agence, ainsi que sur ses relations avec Tel-Aviv. Il laissait entendre que de forts soupçons pesaient sur Angleton à la direction de la CIA, selon lesquels il aurait pu être impliqué dans l'assassinat de Kennedy, ou du moins avoir dissimulé d'obscures opérations de contre-espionnage liées à l'événement qui a bouleversé le monde.

Smith entretenait des relations étroites avec William Colby, directeur la CIA de septembre 1973 à janvier 1976. Réputé modéré, Colby a été contraint de démissionner et remplacé par George H. W. Bush, pour avoir publiquement critiqué le bilan de l'Agence et exprimé sa volonté de soumettre la communauté du renseignement américain à un contrôle plus strict. Henry Kissinger a fait pression pour obtenir son renvoi,  furieux que Colby ait ressenti le besoin de "confesser un crime horrible" chaque fois qu'il s'approchait du Capitole.

On ignore si Angleton, l' ennemi juré de Colby, a également joué un rôle dans son renvoi. Selon Smith, les problèmes de Colby au sein de l'Agence résultaient en grande partie du conflit qui l'opposait au chef du contre-espionnage de la CIA, un homme obsédé par sa quête du secret. Colby ignorait totalement les activités d'Angleton et de son équipe, à l'époque. Selon Smith, Colby aurait déclaré à propos de l'assassinat de Kennedy :

"Il se pourrait qu'Angleton ait mené des opérations sans même en informer le directeur".

Il a ensuite rapporté que le personnel d'Angleton se livrait à des activités "étranges" et gérait "toutes les opérations israéliennes", bien que cela ne relève pas de leur compétence officielle. Selon lui, ces agissements entraînaient des répercussions "inhabituelles" sur les opérations de la CIA en Asie occidentale, car

"contrairement aux autres divisions, où les chefs de station se tenaient mutuellement informés, Angleton ne transmettait aucune information aux autres stations des pays arabes, sauf s'il y était disposé". Smith s'interrogeait d'ailleurs sur "la légitimité des pleins pouvoirs d'Angleton".

Smith a toutefois déclaré qu'Angleton entretenait une "relation spéciale" avec Allen Dulles, le directeur de la CIA de longue date, licencié par Kennedy après l'échec de l'invasion de la baie des Cochons en 1961, puis nommé à la commission Warren. Il a également évoqué une éthique "impressionnante" parmi les soutiens d'Angleton dans l'Agence. Convaincus que la CIA était largement infiltrée par le KGB,

"ils étaient des adeptes invétérés de la théorie du complot communiste mondial",

allant même jusqu'à soupçonner que la  rupture sino-soviétique n'était qu'une "grande opération de diversion".

Invité par Fonzi à "spéculer" sur l'éventualité que Lee Harvey Oswald ait pu être "un agent infiltré de l'Agence", Smith a suggéré qu'Oswald avait peut-être

"travaillé pour la division soviétique, qui menait des opérations en Union soviétique, ou pour le service de contre-espionnage".

L'équipe d'Angleton s'intéressait par ailleurs beaucoup au Fair Play for Cuba Committee, une  cible historique de la CIA et du FBI, au point que "s'y infiltrer aurait été une priorité absolue".

Après avoir emménagé à La Nouvelle-Orléans en avril 1963, Oswald a créé une section locale du Fair Play for Cuba Committee (FPCC) composée d'un seul membre. Pour tenter d'attirer de nouveaux membres dans cette ville ouvertement anti-Castro  peuplée d'exilés cubains, Oswald a  distribué ouvertement des tracts faisant la promotion du groupe. Il a engagé des passants au hasard pour l'aider pour cette opération qui  qui n'a duré que 15 minutes, mais a été filmée par une chaîne de télévision locale.

Bizarrement, lorsque John Pic, le demi-frère d'Oswald, a témoigné devant la commission Warren, il n'a pas reconnu Oswald sur les photos prises lors de ce tractage, suggérant qu'il ne s'agissait  que d'un sosie. Plus étrange encore, comme l'a fait remarquer Fonzi lors de son entretien avec Smith, l'adresse indiquée sur certains tracts comme étant le siège de la section locale du FPCC d'Oswald, le 544 Camp Street, hébergeait

"une sorte d'opération du renseignement dirigée par Guy Banister, un ancien du FBI".

Et Smith a répondu que "l'équipe d'Angleton fourmille d'anciens agents du FBI !"

James Angleton témoigne devant la commission sénatoriale du renseignement

Aujourd'hui, les journalistes, les chercheurs et les citoyens intéressés n'ont d'autre choix que de "spéculer" sur les circonstances de la mort de John F. Kennedy, les raisons de son assassinat et l'identité du meurtrier. Les documents récemment déclassifiés ne font qu'alimenter de nouvelles spéculations, mais tous pointent sans ambiguïté vers James Angleton. Son rôle polyvalent de responsable du dossier Oswald de la CIA, de chef des relations de l'Agence avec Israël et de facilitateur potentiel du programme d'armes nucléaires de Tel-Aviv s'avère étroitement relié à l'assassinat de Kennedy. Et ces opérations combinées pourraient bien dissiper les zones d'ombre entourant le 22 novembre 1963.

Traduit par  Spirit of Free Speech

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